Comme un homme *

Publié le par fragments d'âme

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Dernier film de Saffy Nebou, Comme un homme ne cessera de nous décevoir, en dépit d'un postulat de départ plutôt bon.

Le film débute dans une voiture, deux jeunes hommes sont assis à l'avant, et ne cessent de se regarder. La caméra, placée sur la banquette arrière, cache ce que les deux complices ont embarqué à l'arrière, et que le jeune Louis ne cesse de regarder, leur professeur d'anglais, kidnappée. 

 

Saffi Nebou, souvent taxé d'académisme et d'absence de choix de mise en scène parvient dans ces toutes premières minutes à nous intriguer. Sa mise en scène est inspirée, parlant des regards, fixant sur la pellicule ces instants où les deux hommes n'ont pas besoin de se parler pour comprendre l'un et l'autre la tension qui les étreint tous les deux.

 

La cabane transformée en prison est située au coeur des bois. Pour s'y rendre, il faut abandonner la voiture pour prendre un petit bateau. Cette arrivée sous une pluie battante brouille complètement les repères visuels, il fait sombre, les plans sont serrés sur les deux jeunes hommes. Aucun indice de durée n'est donné non plus, seules les fondues suggère le voyage vers un ailleurs. C'est un voyage vers l'intériorité, suggéré par les plans serrés, les regards entre les deux garçons, et les bruits de leur fardeau.

 

Par la suite, en quelques 30 minutes, on pressent déjà ce que sera le film. Une opposition entre une mise en scène réaliste, dans des lieux réalistes, avec des acteurs jouant leurs vies de façon réalistes, et une mise en scène plus étrange, presque fantastique, voyant le réel se décomposer. C'est l'inconscient de Louis qui se reveille à la cabane.

 

C'est après un coup de ciseau scénaristique évident, une ficelle démasquée très vite, que tout va basculer. Saffy Nebou ne va plus jamais parvenir à maintenir cette dualité intéressante, le film va se déséquilibrer sérieusement.

Partant du thriller, le film diverge vers les eaux nettement plus balisées du drame familial.

La mise en scène devient illustrative, froide, clinique. La vie disparait alors qu'elle devrait être plus présente. L'académisme est alors de mise tant dans les personnages conventionnels que dans les situations entendues. Le fils qui cherche à se suicider, la discussion qui tourne mal au restaurant, le fils qui tente de faire copain copain avec son père.

 

Si le film pèche à partir de lè, c'est qu'il est brouillon. Et on ne peut croire en un film brouillon. Tout est artifice scénaristique. Le père mélomane et intello qui pousse son fils vers hypokagne, mais qui est aussi le proviseur du lycée, se retrouve de fait impliqué dans tous les évènements entre son fils et Greg le jeune homme au bord du renvoi qui a motivé ce plan. Ce lycée, sorte de nécropole dans lequel tous les étudiants seraient bien sagement plongés dans leurs exercices, sans dire un mot, laissant Louis dans une relation de proximité étrange avec son enseignant. L'ambiance sonore a été hativement et mal enregistrée, si bien que tout parait vide.

 

Les indications sensiblement contradictoires de jeu voient le jeune Emile Berling jouer un peu n'importe comment, dès lors qu'il est loin de la cabane. Ce jeune homme perdu, qui n'arrive pas à parler, serait ce jeune brillant littéraire partant pour hypokagne ? Non, tout cela est brouillon, et on n'arrive pas à y croire. Tout comme on n'arrive pas à croire à cette relation entre un père tentant de percer par son regard (belle présence de Charles Berling) les mystères de l'âme de son fils.

L'un joue en crachant ses émotions, dans un naturel assez déconcertant, l'autre joue avec le jeu académique qui a fait son succès dans Ridicule ou Le soleil assassiné. Cette différence pèse sur les relations à l'écran des deux  hommes, et nuit à la cohérence de toute la partie familiale du film.

 

C'est d'autant plus dommage que toute la partie se déroulant à la cabane obéit à une logique beaucoup plus intéressante, qui bien que n'exploitant pas tout son potentiel, se révèle riche en pistes. Dans un rapport oedipien, Louis finit par attacher la jeune prof d'anglais à la figure morte de sa mère et la maintient prisonnière, en finissant métaphoriquement avec son père en restant enfermé dans la cabane, loin du monde, lors de la partie finale. Sarah Stern, très bonne en femme kidnappée, qui apporte une vraie présence à son personnage, pourtant pas évident.

La mise en scène de l'enfermement est étouffante, malgré une lumière trop forte, qui aurait gagné à être moins uniforme et à jouer plus sur les ombres. Le regard pervers de Louis est également mis en scène, du point de vue de l'enseignante cette fois. Et dans un dernier emballement, on craindra sans cesse pour la vie de celle ci, lorsque Louis, effrayé par son implication dans cette affaire empruntera le pistolet de son père.

 

Le plus grand tort du film est de tout relier à l'académisme de la partie familiale, donnant des causes rationnelles à tout ce qui arrive. A force d'hésiter entre thriller en huit clos et film familial à diffusion large, Saffy Nebou finit par couler.

Publié dans Cinéma 2012

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