Retour sur... Biquefarre ****

Publié le par fragments d'âme

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Aujourd'hui, c'est d'un film un peu à part que l'on va parler. Biquefarre est un film sorti en 1984, réalisé par Georges Rouquier.

 

Film rare, car il fait partie des quelques films français néo-réalistes. Avec une petite ambiguité, c'est une famille de fermiers à laquelle Rouquier avait déjà consacré un film en 1947, Farrebique. Il revient donc, presque 40 ans plus tard, donner une suite à l'histoire de cette famille.

 

Dans ce premier film (que je n'ai pas vu), Rouquier évoquait à travers cette famille la vie des paysans en 1946, et le dur (et sain) labeur du travail, ce qui avait valu au film d'être qualifié d'"archaique", voir de "pétainiste".

Biquefarre prend la direction opposée. En 40 ans, l'arrivée de l'agriculture moderne a tout chamboulé. Au constat optimiste du premier épisode succède une noire déprime. Les machines sont arrivées, les pratiques ancestrales ont été remplacés par le vrombissements des moteurs, on annonce même l'arrivée des ordinateurs à la ferme pour l'an 2000.

 

Dans cette agriculture industrielle, où il faut s'aggrandir pour survivre, la mise en vente de la ferme de Biquefarre, voisine du domaine de Farrebique (que nous suivons), déclenche de violentes querelles entre agriculteurs voisins.

 

Le cadre est rigoureux, les hommes entre les rangées de bovins sont centrés, entourés et impliqués dans leur métier de machines. Les moisonneuses batteuses sont tantôt filmées en gros plan, l'homme paraissant comme engoncé dans son sarcophage de fer, tantôt filmées de loin, dans l'immensité du champs, métaphore de la solitude de ce monde moderne.

 

Mais la violence des émotions suscitées par ces machines menaçantes n'est rien comparés à l'évolution des relations entre ces hommes et femmes.

D'abord courtois, l'angoisse, la peur de disparaitre se font de plus en plus sentir dans leurs discussions. Le ton monte, l'amitié disparait sur l'autel de l'argent. La simplicité des cadres est confondante, dans ce décor qui n'a plus rien de rural, tout enveloppé de formica sans âme.

 

Tout le monde se connait toujours, chacun appelle l'autre par son prénom, ils viennent se voir après le travail, se rendent au café ensemble. Mais derrière les apparences, ces petites communautés voisines se sont "merveilleusement bien" adaptés au monde moderne.

Tandis qu'Henri marchande secrètement avec le propriétaire de Biquefarre, un agriculteur désabusé en route pour la ville et une nouvelle vie, la vie continue au milieu des machines.

 

Rouquier met en scène le caractère organique de la menace. Par ses plans aussi simples que terribles, sur des coccinelles aspergées d'insecticide, de cet homme prenant sur la tête un sac de produits, violement pris de nausées en fin de journée, de Roch, pantin inarticulé avec lequel on communique par astuce.

 

Cette communauté attachée à la nature est devenue une communauté individualiste et égoiste, qui rentre chez elle après la messe, qui ne croit plus en ses valeurs, mais garde un simulacre de tradition, gâtée par les querelles qu'engendre l'industrie.

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